živjeli!
Les Balkans! Source de mixités ethniques, religieuses et politiques. Ils sont le carrefour entre l'Orient et l'Occident ce qui a donné à ces pays un caractère unique. Nous nous sommes quitté à Trieste à la frontière italienne et voici quelques photos d'une virée de nuit avec mon hôte sur place.

La sortie de Trieste ne m'est pas évidente à cause de la circulation et des reliefs, la ville étant située dans une cuvette. Sa périphérie est donc (très) pentue, et c'était beaucoup plus facile et plaisant d'y venir par une descente sans coup de pédale, que de devoir partir et gravir ses abords abrupts. J'évite la route principale, ce qui me fait passer au travers d'une réserve de pétrole. L'Autriche y conserve ici une réserve considérable (35% des ventes de l'année) car de Trieste part l'unique pipeline alimentant le pays. L’atmosphère y est ici quasi asphyxiante à cause des vapeurs qui en émanent.
Je traverse ensuite la frontière avec la Slovénie. Après la montée ce sont des plateaux qui s’enchaînent. Rouler devient agréable par les paysages, et un nombre minime de voitures. A la frontière Croate on scanne mon passeport. La Croatie a beau faire partie de l'Union Européenne, elle ne fait pas (encore) partie de l'espace Schengen et ses frontières restent contrôlées. Idem pour la monnaie, ici on paye en Kuna, alors qu'au Monténégro, qui ne fait pas parti de l'UE, l'euro a pris place dans le pays et y est nettement plus utilisé que la monnaie locale.

A Rijeka j'ai rendez-vous avec Marìn dans le cadre de mon projet. Marìn possède son propre cabinet privé en ville. Il y travaille en équipe, trois kinésithérapeutes des plus motivés et dynamiques. Il tentent de se former régulièrement (ce qui est de toute façon obligatoire en Croatie) afin de pouvoir fournir une qualité de soin optimale à leurs patients. C'est un réel plaisir d'échanger avec eux car ils ont une vision similaire à ma pratique, convaincus que nous pouvons faire beaucoup plus avec nos mains qu'avec des appareils onéreux qui fleurissent de plus en plus dans les cabinets de kinésithérapie en France.
Je prends ensuite la direction des lacs et cascades de Plitvice, situés à l'Est de la Croatie. A la sortie de Rijeka je passe par Tribalj, où se situe un spot de parapente assez prisé. Bien que je n'avais pas spécialement envisagé de voler, une navette part justement pour le décollage. Juste le temps de demander à des pécheurs de veiller sur mon fidèle destrier et je récupère ma voile pour monter en direction de l'aire de décollage. Nous aurons l'occasion de faire deux rotations pour faire deux vols tout aussi fabuleux qu’inattendus. Il faut savoir profiter de ces moments, car ayant regardé la météo je sais qu'une journée de 90km, 1400m de dénivelé et sous la pluie m'attend le lendemain. J'essaye tant bien que mal de m'avancer au maximum. J'arrive près de Plitvice trempé jusqu'au os, J'ai un problème d'étanchéité de ma veste Gore-tex qu'il me faut résoudre avant d'avoir des températures plus froides.
Le parc national de Plitvice est plus que bien aménagé, car il accueille plus d'un million de visiteurs chaque année. Il me faudra y aller tôt pour pouvoir profiter du lieu, car vite envahi de centaines de visiteurs, composés surtout de groupes de touristes de toutes origines.
Si j'ai eu la chance d'avoir une accalmie pour ma visite du parc, la pluie redouble à mon retour au camping. Et c'est sous un déluge que je plie ma tente pour me diriger vers la frontière avec la Bosnie. Le douanier ne me fera pas l'affront de fouiller mes bagages, ce qui est assez classique d'après ce que j'ai compris. Il me lancera même un "Rafting?!" j'avoue avoir apprécié la note d'humour dans ce contexte un peu difficile. Si tout en pédalant sous la pluie j'ai rêvé d'une chambre dans une auberge (souvent moins de 10€ en Bosnie) une accalmie me permet de passer du stade mouillé "pré-essorage" à mouillé "post-essorage". Je décide donc de camper en pleine nature et de tester ainsi ma résistance et mes limites. Je me trouve ainsi en pleine nature, dans une zone déminée fort heureusement, ce qui ne semble pas être le cas partout dans la région.

Beaucoup de maison sont encore marquées d'impacts de balles ce qui me renvoie à un conflit dont j'ignorais beaucoup de choses avant ma venue. Ici les pourtours d'une fenêtre sont criblées signant un échange de tirs prémédités.
Coté climat le scénario reste le même, une nouvelle nuit sous la pluie, une autre journée à braver les averses. Je rencontre par hasard un français, Pierre, voyageur chevronné. A 71 ans il dort encore dans sa voiture qu'il a (pas vraiment) aménagé. Il semble avoir sillonné une bonne partie du monde et connait la plupart des endroits où je compte me rendre. Une complicité tacite s'installe entre celui qui a parcouru le monde et celui qui s'apprête à prendre un chemin similaire. Une sorte de passage de flambeau assurant la relève.
Plus loin c'est un jeune auto-stoppeur qui attirera ma curiosité. Son sac de voyage témoigne sa volonté de prendre un nouveau départ, sous le regard bienveillant de sa mère. Si la scène me renvoie indubitablement à mon départ, elle illustre surtout le désir de la jeunesse de construire un avenir dans des régions plus prometteuse. La Bosnie s’appauvrit de sa jeunesse, ce qui risque probablement de poser des problèmes dans le futur.
Je renouvelle mon campement au soir venu, et l'ensemble de mes affaires commence à sérieusement s'imbiber. Heureusement, au lendemain, le vent chasse les derniers nuages et me permet un séchage express de l'ensemble de mon équipement. Lors de ma pause déjeuner tout est étalé le long de la route offrant un spectacle atypique aux automobilistes. Alors que je commence à chercher un endroit où passer la nuit, le tenancier d'une auberge-restaurant m'invite à le rejoindre pour l'apéro. Il me propose une chambre dans un anglais approximatif mais très vite il comprend que ce n'est pas ce que je recherche. Finalement il m'invitera à camper dans son jardin, et comme pour sceller notre entente il m'offre une seconde tournée (en Bosnie la pinte est de rigueur). Et puis très vite ses amis nous rejoignent et je deviens rapidement l'attraction de la soirée, et ils se mettent ainsi en tête de voir jusqu'à quel point un français tient l'alcool, j'ai surtout appris comment dire "santé" en bosniaque (cf le titre de ce post). Au petit déjeuner le lendemain, certains sont déjà à la bière me faisant réaliser que je n'avais pas vraiment mes chances de rivaliser la veille. Mais le plus intéressant restera la rencontre avec Amir. Il parle assez bien anglais et me raconte les années de guerre. Après avoir fuis le pays il est venu se réinstallé avec ses parents dans son village natal. Il n'avait qu'une dizaine d'année à l'époque mais se souvient très bien de l'angoisse provoquée par quelqu'un qui frappe à la porte la nuit:"On ne savait jamais si c'était des combattants ennemis qui venaient nous massacrer ou la milice locale qui nous protégeait." Ce que je retiendrai surtout de notre échange, c'est qu'il semble que l'ensemble de la population ne savait absolument pas pourquoi ils se battaient contre leurs voisins, dans un conflit programmé par des volontés politiques plutôt abstraites.
Pas facile de pédaler après une telle soirée de débauche, mais je finirai mon étape qui inclue l'ascension d'un col (Makljen, 1123m). Je dors au sommet, ce qui m'offre une vue imprenable.
La descente est plutôt agréable après une nuit réparatrice. Je m'engage ensuite dans une vallée étroite qui me mènera à Mostar, Voici quelques photos un peu en vrac de mon passage en Bosnie.
Mostar est une ville au lourd passé. La guerre a beaucoup frappé ici et il a fallu reconstruire une partie du centre historique ainsi que son fameux pont: le Stari most, avec la plupart des pierres d'origine. Ce weekend y a lieu une compétition de plongeon.
Ce weekend m'a permis de récupérer un peu (j'ai fait en 5 jours 350km et 4000m de dénivelé). En même temps je met à jour mes différents moyens de communication et prépare ma future rencontre avec un kiné bosniaque. Je n'envisageais pas que cela soit autant chronophage mais les retours sont plutôt positif et encourageant pour me pousser à continuer. Je me dirige demain à Dubrovnik, qui semble être une certaine épreuve pour les voyageurs à vélo, mais où m'attends certainement un colis...