Tbilissi => Baku
Je retourne dans la famille qui m'accueille à Tbilissi. Géraldine vit ici depuis le début de l'année académique après une longue période au Kenya. Elle est institutrice à l'école française du Caucase où sont scolarisés ses quatre enfants. Ils me reçoivent dans leur petit appartement chaleureux où je me sens comme chez moi. Ils accueillent aussi Elie, libanais. Il a quitté ses études pour réaliser son rêve: maître de méditation. Il voyage désormais au gré de ses rencontres, des opportunités qui s’offrent à lui. Je profite du calme de la journée pour vaquer à mes occupations sur l'ordinateur. Le soir je retrouve cette famille attachante et la joie d'un foyer où règne la vie et le tohu-bohu.
Le week-end arrivant nous profiterons du samedi pour nous balader sur les hauteurs de Tbilissi. La ville a beau être une capitale, il est plus que facile de se retrouver en pleine nature en une demi heure de bus, les fameuses matrushka, depuis le centre ville. Nous nous dirigeons vers la forteresse d'Azeula sur les hauteurs de Kojori. Tous à l'assaut des fortifications. Aline qui nous accompagne à vite fait de nous amuser la galerie. Elle vient de Chambéry et travaille dans l'école avec Géraldine. Nous nous apercevons rapidement que nous nous sommes croisé en Arménie un peu plus tôt alors qu'elle voyageait en auto stop avec son copain Hugo. Je me rappelle de ces deux excités qui me faisaient de grands signes d'encouragement derrière le pare brise d'un camion alors que j'étais dans les derniers kilomètres du col Vorotan.
Le soir je retourne à la Fabrika, devenue mon QG à Tbilissi. J'y rejoins Manu, un breton lui aussi sur la route pour la Nouvelle Zélande, comme son site internet l'indique. J'avais eu vent de sa venue via les réseaux sociaux. Il arrive accompagné de Charles, suisse roman avec lequel il voyage depuis la Cappadoce. Renaud et Marc, deux autres voyageurs à vélo nous rejoindrons pour une soirée francophone. Ravi de retrouver des cyclos, nous planifions une virée nocturne, Tbilissi ayant une réputation infaillible pour sa nightlife et sa scène électronique. Nous profiterons d'une journée de repos le lendemain pour échanger bon plan et itinéraire. Les options étant diverses et variées.
Retour en famille. Je passerai une semaine tranquille. Je commence à tisser un réseau au sein des expatriés de la ville. La vie sédentaire reprend vite le dessus. En attendant le week end nous continuons notre exploration de la ville. J'ai d'ailleurs retrouvé ma carte mémoire et j'en profite pour vous partager quelques clichés de la ville
Avec Charles et Manu nous irons manger chez Aline et Hugo. Ils projettent de se rendre en Asie centrale sous peu, et majoritairement au moyen de leurs bicyclettes. Nouvel échange d’itinéraires. Une séance d’escalade s'invitera aussi à la partie, Charles étant grimpeur et transportant son matériel sur son vélo. J'en profiterai aussi pour réviser intégralement mon vélo. Préparation oblige pour le gros morceau de mon périple qui arrive, à savoir l'Asie centrale. Le mercredi soir nous avons rendez au backstage, un bar événementiel près de Vake square. S'y joue ce soir un groupe de breton (encore eux) avec présentation de danses traditionnelles. Il s'avère que Manu fait parti d'un fest-noz. La salle est remplie d'expatriés majoritairement français. Un petit air de France au milieu de mon voyage.
Avant le week end j'aurais le plaisir de rencontrer Stefanie, kiné allemande expatriée en Géorgie. Elle entre dans le cadre de mon projet (que je n'ai pas encore abandonné!!). Je n'ai que peu de renseignements sur la kinésithérapie en Géorgie, qui semble pratiquement inexistante. Le peu de protagonistes que j'ai contacté n'ont pas répondu à mes sollicitations. En Grèce c'est près d'une cinquantaine de mail restés sans réponse. A la sortie de mon entrevue je propose aux copains de nous retrouver aux bains. Il semble que ce soit un incontournable à Tbilissi. La plupart des établissements proposent une formule privée. Nos petits budgets nous feront opter pour les bains publiques. On est loin de l'image que l'on peut se faire des bains, qui ressemblent plutôt à une douche collective qu'à un spa. Immersion totale garantie.
Nouveau week end pascal! L’orthodoxe cette fois ci. Géraldine et les enfants sont dans l'ouest du pays pour les deux premiers jours (vendredi étant aussi vaqué pour la plupart des institutions). Le dimanche nous le passerons au jardin botanique. encore une fois il est agréable de se retrouver en pleine nature en étant si proche de la ville, car le jardin ressemble plus à une forêt aménagée.
Le lendemain nous partons pour le lac de Tsalka un peu à l'ouest de Tbilissi. Nous retrouvons un couple d'enseignant de l'école et deux expatriés, dont un australien que je connais de la salle d'escalade... quand je disais que je commençais à tisser mes relations. Nous nous enfonçons dans ce canyon pour atteindre des cascades.



C'est le cœur lourd que je retourne en ville. En effet je prépare mon départ pour le lendemain. Si je ressens le besoin de retrouver mon voyage et ma routine, il n'est pas aisé de quitter les lieux quand on s'y sent si bien. Cela fait parti du voyage.Les adieux fait après une dernière leçon d'origami aux enfants dans la classe de Géraldine, je reprend la route.
La chaleur est pesante. Après ce long arrêt a Tbilissi le climat s'est nettement réchauffé. Short t-shirt sont de mise, ça faisait longtemps! J'arrive a Sartichala et décide de quitter la route pour m'enfoncer dans les terres. Je quitte l'asphalte pour une route chaotique, mais bien content de quitter la circulation. Comme par hasard, la playlist que j'avais dans les oreilles se termine, signe que je peux enfin profiter du calme et du silence. Je refais le plein d'eau à la sortie du village et commence à arpenter cette petite route qui se transforme parfois en sentier. Les alentours sont bien verdoyants et les agriculteurs sont au travail.. Des odeurs de terre retournée m'emplissent les narines. J'arrive à un autre village, celui ci plus reculé. Difficile d'estimer quelles maisons sont encore habitées. Toutes ont l'air vieillissante, vestiges de l'union russe et victimes de l'exode rural. La rue est déserte, je ne rencontrerai que quelques villageois. L'accueil est froid et peu cordial. Ma première impression de la Géorgie est bien loin. Depuis que je suis parti j'ai plutôt l'impression d’être sorti de zombie-land. Peu de salutations et une certaine indifférence à laquelle je ne suis pas habitué. La plupart des automobilistes que je rencontrerai les jours suivants m'adresseront un signe de la main, mélange d'incompréhension et de reproche: "il n'y a rien a voir ici, qu'est ce que tu fous là!" auquel je répond par un sourire. Beaucoup ne comprennent pas le plaisir de se retrouver au milieu de nul part.
Je rejoins la route principale un peu avant Budauri. Je décide de camper sur les

hauteurs du village, toujours sous les yeux ébahis des villageois alors que je traverse leur hameau. Je n'ai pas choisi de surplomber le village pour rien. En effet un vent soutenu et laminaire souffle (face à moi bien entendu) depuis le milieu d'après midi. Malheureusement pas assez fort pour décoller, j'en profite cependant pour m'amuser un peu avec mon aile de parapente. Rapidement quelques jeunes curieux du village viendront me saluer et regarder le spectacle. L'un d'eux me propose de m'accueillir pour la nuit, mais la mine peu enthousiaste de ses colocataires m'incitera à décliner. D'autant que je crains que cette affaire se termine au chacha, gnôle locale faite à base de mare de raisin, qui sert aussi de désinfectant ou à allumer le barbecue. J'opterai donc pour le bivouac et son plafond à 5 milliards d'étoiles.

Le lendemain je reste principalement sur les petites routes. Je suis naïvement l'asphalte. Rapidement je me rend compte que je ne prends pas la direction supposée. Après vérification j'ai raté l'intersection, ma route était la petite défoncée sans asphalte. Celle en meilleur état mène... à l'église. Chacun ses priorités!

Je passe un petit col et me retrouve face à la chaîne du Caucase. Je suis dans des prairies cultivées avec les arbres fruitiers en fleur qui dégage leur parfum printanier. J'en profite pour vous dévoiler un arbre inconnu à mon répertoire que j'ai baptisé l'arbre à tulipes pour le moment compte tenu de ses fleurs. Mais si l'un de mes lecteurs à la réponse j'en serai ravi.
Avec une vue imprenable sur les montagnes au sommet encore enneigée. Je m’arrête pour un pique nique. J'ai acheté une boite à œuf rigide, mais qui ne semble pas à la hauteur des routes de Géorgie. Heureusement j'avais pris la précaution de garder dans un endroit hermétique, mais avec mon thé et mes épices. On compare parfois entre voyageurs nos pires expériences culinaires en voyage. Je crois que l'omelette au parfum framboise, citron, gingembre sera dans le top trois. J'arrive à Lagodekhi à la frontière avec l’Azerbaïdjan alors que le jour décline.
Après un petit déjeuner copieux à l'auberge où je suis, en compagnie d'un couple d'allemand en vacances, je prends la route direction la frontière sous un panneau peu commun (bonne chance). Quitter la Géorgie est un jeu d'enfant, un coup de tampon et bye bye! bonne route! Enfin presque car j'ai acheté du matériel pour mon appareil photo détaxé et il me faut me faire rembourser la TVA. Je dois devant le guichet le changement de personnel car la guichetière refuse catégoriquement d'entamer la procédure de remboursement alors qu'elle est à un quart d'heure de son temps réglementaire. Y'a pas qu'en France...
Puis, après avoir passé le pont qui matérialise la frontière, j'arrive au poste azéri. Un premier contrôle de formalité me permet d'entrer dans la zone d'inspection. L'officier parcours mon passeport :
« Vous etes allez en Arménie ? »
« euh... c'est exact » (dans ces cas j'aime bien jouer à "ni oui ni non" ça permet de réfléchir à ce que l'on dit avant de s'aventurer sur des terrains dangereux)
S'en suit le contrôle scanner de mes sacoches. Puis un autre officier me demande les même questions, auxquelles il rajoute :
« Connaissez vous le karabath »
« Bien sur, le territoire azéri occupé par les méchants arméniens ! »
Bonne réponse, le gars me souri, se détend, s'en suivra une leçon des bases de français et un topo sur mon voyage.

Je reprend la route, rapidement invité à partager un thé, encore un thé, et quelques œufs. J'arrive a Shaki et me trouve une auberge. Charles, que j'avais rencontré en Tbilissi me rejoint un peu plus tard. Après quelques années à bosser en tant que mécanicien et instructeur de ski, il a décidé de se lancer dans un voyage à vélo en direction de l'Australie. Il est sur la route pour l'Asie centrale avec un programme très similaire au mien. Nous sommes tous deux des voyageurs solitaires mais qui aimons la compagnie d'autres cyclos à l'occasion. Il faut dire que Charles dégage de bonnes ondes avec son visage enfantin et sa mine réjouit. La simplicité avec laquelle il voyage dans la bonne humeur est agréable. Notre bonne entente nous incitera à reprendre la route ensemble. Après une journée de repos à regarder plus tomber, nous nous mettons en route. La pluie n'a pas vraiment cessé, mais nous espérons une accalmie dans la journée. Un peu plus loin se profile une silhouette rouge sur le bord de la route. Instantanément nous pensons à un cycliste. Ce seront même deux cyclistes. Charlotte est Belge, de Namur. Lors d'un erasmus au Mexique elle a rencontré Carlos et ont décidé de voyager ensemble à vélo pour l’Asie. Nous déciderons de cheminer ensemble. Enfin presque... car un chemin coupe un grand virage que décrit la route. Charlotte et Carlos, plein de sens commun, continuent sur la route principale. D'immenses flaques jonchent notre route et nous nous amusons à les traverser en pleine vitesse. Mais rapidement nous atteignons un torrent qui coupe notre axe. Notre traversée se terminera les pieds dans l'eau, des fois que l'on ne soit pas assez mouillés....

Nous retrouvons nos compères sur la route et nous nous mettons à la recherche d'un abris pour la nuit. Nous trouvons un hangar derrière un restaurant assez luxueux et entamons les négociations. Des azéris de Bakou nous aide à traduire, puis nous invitent pour manger. Une bonne soupe pour nous réchauffer et du thé bien sur. La salle est cosy, on pousse l'audace à demander de dormir carrément dans la salle. Ce sera accepté et nous voilà bien au chaud pour passer la nuit, un peu serré mais au sec. Charlotte et Carlos s'annoncent de la même graine que nous, décomplexés et bon vivants. Les échanges sont animés et joyeux. On décidera de poursuivre tous ensemble le lendemain. Heureusement le temps s'est dégagé. Mais cependant la température a drastiquement chuté et la neige est au sommet des montagnes qui nous entoure. Nous évoluons un peu chacun à notre rythme, n'hésitant pas nous séparer quelques kilomètres. Vers la fin de la journée on rencontre JAEHGOON, un coréen sur la route dans le sens inverse. Sorti de l'armée car trop de contrainte il a décidé de se lancer dans une aventure à vélo. Totalement néophyte il s'est engagé dans un parcours atypique, mongolie en novembre, pamir highway et décembre-janvier... Respect. Fort ravi il de nous rencontrer, il décide de faire quelques kilomètres avec nous et de se joindre pour la nuit. Il faut dire que notre approvisionnement en bière l'a particulièrement séduit.


La route est toujours légèrement vallonnée ce qui devient un peu usant

d’enchaîner les montées et descentes. Alors que le jour décline nous faisons le choix de rester sur les hauteurs. En effet une vallée croise notre chemin et nous préférons rester sur les hauteurs plutôt que s'enfoncer. Choix judicieux qui nous permettra de profiter d'un magnifique couché de soleil dans les prairies verdoyantes.


Le lendemain les paysages sont fabuleux, des collines à perte de vue. Petit à petit les dénivelés se font de moins en moins importants et c'est rouler redevient agréable. Notre prochain campement sera au pied de la fin de la chaîne du Caucase. Le vent favorable me permettra même de sortir la voile pour une belle session de parapente en soaring, comprenez, utiliser le vent pour se maintenir en l'air..
L'entente du groupe est toujours au complet. C'est agréable de retrouver un groupe pour voyager différemment. Les premiers kilomètres de la journée sont faciles. Le vent soutenu nous pousse à notre destination finale. Mais aux abords de la capitale de l’Azerbaïdjan, le vent nous est moins favorable. Bakou s’avère être une ville à la circulation dense est bruyante. Nous nous frayons un chemin jusqu'à une auberge de jeunesse où nous avons réservé. Bonne ambiance et joli cadre malgré les bruits de la circulation. Nous nous offrons même un petit resto pour fêter le retour à la civilisation. Malheureusement pour moi, le choix dans le menu ne me sera pas bénéfique avec une belle intoxication alimentaire qui me clouera au lit pour les 36h suivantes.
Charlotte et Carlos nous quittent avec le bateau en partance pour le Kazakhstan. Nous devons pour notre part attendre le visa Ouzbek avant de pouvoir quitter le pays. Si l'ensemble de l’Azerbaïdjan paraît encore tout juste sorti de l'union Soviétique, Bakou transpire le luxe. Le pétrole semble disséminer ses billets verts à travers la ville. Le centre ville est resté globalement préservé mais tout autour poussent des bâtiment à l'architecture moderne.

Je n'en verrais cependant pas grand chose bien trop occuper à éditer une nouvelle vidéo qui présente mes occupations hors vélo :
Au matin du cinquième jour, les choses s’enchaînent un peu dans la précipitation. A 11h30 on nous prévient qu'un bateau s’apprête à partir d'Alat, à 70 kms au sud de Bakou. Il faut savoir qu'aucun bateau de tourisme ne traversent la mer Caspienne. Ce sont des navires commerciaux à but de faire passer les camions, qui prennent des passagers. Il faut donc appeler le bureau tous les jours pour vérifier si un bateau est en partance pour le jour même. Généralement le soir, le notre est prévu dès le début d'après midi. Branle bas de combat. Charles se rend à l'office du port acheter nos billets, moi à la banque payer nos visas ouzbeks. J'y découvre que mon portefeuille a été copieusement allégé dans notre à l’arrêt à l'auberge. Des euros que je m'étais fait ramener en Géorgie ont mystérieusement disparus... Les aléas du voyage! J'espère que le pécule sera utilisé à bon escient par son nouveau propriétaire. De retour à l'auberge, il nous faut charger nos vélos dans un taxi. Nous arrivons à l'ambassade pour récupérer nos visas mais le consul est en pause déjeuner. Après plus d'une heure et demi d'attente nous voilà ressortis, visa en poche. Forcément le chauffeur trouve le moyen de devoir faire le plein et prendre à manger. Nous arrivons avec près trois heures de retard. Pas très inquiets cependant... Le temps de charger le bazar, il est courant que le bateau parte plusieurs heures après l'horaire indiqué. Le notre n'échappera pas à la règle, le temps de faire les formalités et nous voilà à bord vers 17h30, et finalement nous ne partirons pas avant 23h30.
Nous avons une cabine à disposition pour les trente heures de traversée prévues. Les commodités sont tout ce qui a de plus sommaires, occupés par les camionneurs turcs, ukrainien, kazakhs... Nous rencontrons deux motards, un français et une espagnole qui vont dans la même direction. Notre moment de pression s'estompe maintenant que nous sommes à bords et nous voilà bien heureux à bord de ce navire.

Mon état d'esprit oscille entre excitation et appréhension. Cette traversée représente un tournant assez décisif dans mon voyage. En effet elle me plongera directement en Asie centrale où m'attend le noyau dur de mon voyage. Des déserts arides, des montagnes himalayennes, des steppes à perte de vue. Des contrées pleines de difficultés, mais aussi pleines de promesses.
