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Jam Karet

Me voilà rendu à Labuhan Bajo à l’extrême Ouest de l'île de Flores, toujours sur les petites îles de la Sonde Orientale. Je suis en ville pour prolonger une dernière fois mon visa indonésien. Labuhan Bajo est une ville relativement touristique et chère naturellement. Elle est le point de départ pour aller à la célèbre île de Komodo et où résident les dragons éponymes. Je me passerai de l'excursion onéreuse pour voir un gros lézard appâté par les locaux avec de la nourriture pour permettre aux dizaines (centaines?) de touristes quotidiens de les photographier. C'est avec une pointe de regret mais ce sont des choix que j'ai fait, et le fait d'avoir (encore) égaré ma carte bancaire m'encourage à garder mon argent.

Je profite de l'auberge et de la multitude de voyageurs quelle draine. Je rencontre Arthur avec qui je pars une journée explorer les alentours, dont la fascinante grotte de Rangko, qui accueille la lumière du jour par la petite entrée en son sommet et dont le fond est rempli d'eau de mer par résurgence. Nous nous rendons aussi à une cascade. Dans un premier temps rebuté à l'idée de devoir payer un jeune guide local, Tobi fini par nous inviter le plus naturellement du monde chez lui et nous offre le café. Je converse avec le père avec les bases de Bahasa que j'ai accumulé au fil de ces derniers mois. Charmés par l'attitude de notre hôte nous décidons de nous laisser conduire à la cascade. Tobi nous explique en chemin de quoi vit son village, de la cueillette principalement et d'un peu d'agriculture. Il nous présente son bœuf qui est indispensable à tous jeunes du village pour un future mariage à venir.

Mon visa en poche je prends la route vers l'Est. Flores est relativement montagneuse et sa traversée s'annonce difficile. Je commence par une belle ascension qui me mène à près de 1300m d'altitude, pour me retrouver de nouveau au niveau de la mer en fin de journée. Ce sera mon lot presque quotidien pendant les prochaines étapes.

Dans la descente je perçois du jeu dans ce que je pense être mon pédalier. La dernière fois que j'ai eu ces même symptômes, cela s'est résolu par le changement complet de mon pédalier. Mais ce dernier est en bon état, inutile de préciser que le premier réparateur de vélo est à plusieurs jours de voyage. Le problème vient de ma roue arrière, fixée sur un système à glissement pour gérer la tension de ma chaîne qui s'est desserré. Je ressert brièvement avant de trouver un mécano en bas de la descente pour des réparations plus pérennes. L'occasion aussi de me faire payer le café.

La chaleur est au rendez vous. J'avance difficilement malgré le terrain un peu plus plat. Le temps commence à être menaçant. La saison des pluies ne saurait tarder et le temps est souvent menaçant en fin de journée dans cette région montagneuse. Je m’arrête près un canal et demande où camper aux jeunes du coin. Comme souvent, ils ouvrent des yeux ronds en me disant que c'est impossible. Mais finalement l'un d'eux m'invite chez lui qui semble le repère de la bande. Le deal étant scellé, je me jette à l'eau parmi les enfants euphoriques qui n'attendaient que cela.

Nous nous dirigeons ensuite chez mon hôte dont je ne sais malheureusement me rappeler le nom.

Il me convie à aller visiter les plantations de riz sous forme de toile d'araignée, typiques dans la région. Si je pensais que cela avait une raison d'irrigation il semblerait que ce soit pour la symbolique de l'union des familles.

A notre retour nous attendons que la mère rentre des champs pour partager le repas. C'est avec surprise et joie qu'elle découvre un « bule » chez elle, n'hésitant pas à me prendre dans ses bras et à m'accueillir chaleureusement. Le confort est minime pour cette famille modeste, pas d'eau courante, quatre murs en brique brut et un toit de tôle. Je dors dans le salon composé sur un lit et de quatre chaises en plastique.

Je reprends la route le matin alors que mes jeunes hôtes se dirige vers l'école pour l'un, le lycée pour l'autre. La montée est difficile, hachée de descentes qui décuplent les dénivelés positifs journaliers. Le temps devient de plus en plus menaçant et je sais par d'autres voyageurs qu'il pleut généralement en après midi vers la ville où je me dirige. Je redouble d'effort alors que le rideau opaque d'une ondée se dirige sur la ville. J'arrive exténué et fourbu, le déluge s'abat deux minutes plus tard. Je suis rejoins par une bande de voyageurs. Tous voyageurs solitaires, nous nous sommes rencontrés à l'auberge de LBJ et eux ont loué des scooters pour faire le même périple. Étant parti avec une journée d'avance, j'arrive donc en même temps eux. Je me greffe à eux le lendemain pour explorer les environs de la ville à moto, notamment la grotte où a été découvert homo florensis en 2003. Puis une cascade dont nous ne trouvons pas l'entrée et y arrivons par le haut. Cela nous offre un point de vue différent mais tout aussi intéressant.


A la sortie de Ruteng je retrouve une belle montée avant de pouvoir apprécier une longue et belle descente jusque la côte.

Je mange un bout et reprends la route mais la chaleur est bien trop accablante. Je m’arrête à l'ombre et vite rejoins par un jeune couple de passage. Leur village se situe en haut de la côte et j'en profite pour me faire aider dans la montée, le scooter derrière moi, le conducteur jambe tendue et le pied sur mon vélo me pousse jusque le sommet. Une technique bien locale. Quelques photos souvenirs avant que je m'en aille trouver un endroit où passer la nuit.


Je rejoins la côte une nouvelle fois. Alors que je regarde mon GPS pour évaluer un lieu propice au campement, deux ados s'arrêtent à ma hauteur. L'un d'eux parle très bien anglais et m'invite chez lui avec insistance. Je suis assez surpris car les ados font preuve d'une certaine immaturité depuis mon départ de Labuhan Bajo. M'apostrophant dans leur langue, hilares, ou se contentant du peu qu'ils savent d'anglais qui se termine généralement par un « fuck you » sans que je ne sache s'il ont conscience de sa signification. Mais Kaks semble ravi de me rencontrer et « très honoré !» si j'acceptais de passer la nuit chez sa famille. Du haut de ses quinze ans il fait preuve d'une maturité surprenante. Malheureusement située en hauteur je n'ai pas le courage de rebrousser chemin pour passer la nuit dans la maison familiale. Ils m’accompagnent donc à la plage, m'aident à monter la tente, prendre une douche au puits du village. Kaks me conduit au restaurant pendant que ses amis gardent mon campement. Il ne semble pas peu fier d'avoir un bule derrière lui, ralentissant devant les échoppes, le buste droit et la tête haute, à tel point que je dois réajuster la frontale que je lui ai prêté pour nous éclairer sur sa mobylette sans phare...

Après un déjeuner rapide j'attaque une longue et régulière montée pour Bajawa. Depuis le niveau de la mer, je dois me retrouver à près de 1400m d'altitude de nouveau. Flores se résume par un enchaînement de montées et descentes. Celle ci est beaucoup moins éprouvante que les précédentes. Je trouve mon rythme sur cette pente douce et régulière. Le temps est au beau fixe et la vue imprenable sur la volcan Inerie, dont le cône régulier dominant le paysage me fait oublier l'effort.

Je retrouve la petite troupe de voyageurs à moto. Je dors de mon côté chez Rudhye, hôte couchsurfing local. Nous profitons de la fin d'après midi pour nous rendre à des sources d'eau chaude à quelques kilomètres au nord de la ville après une belle route sinueuse en pleine campagne.

Retour chez mon hôte avec qui je partage le dîner avec sa famille et deux autres voyageurs de passage, des polonais qui arrive tout droit d'un séjour en Papouasie qui fait face actuellement à des conflits séparatistes sanglants.

Je passe une nouvelle journée à explorer les environs en me greffant au groupe. Au programme le village traditionnel de Bena, qui ressemble malheureusement plus à un musée. Si le décor est idyllique le village a désormais perdu son âme pour s'adapter au tourisme. Après un déjeuner en terrasse, nous nous dirigeons vers d'autres sources d'eau chaude pour y passer l'après midi. Ici l'eau brûlante vient rejoindre un ruisseau glacé. Il faut donc jouer avec les courants pour trouver le point de température idéale.

Le lendemain la route étant en descente nous avançons à des rythmes presque similaires. Nous nous retrouvons pour le café avant que le groupe ne me devance pour arriver à Ende le jour même. Pour ma part je trouve une rivière où planter ma tente pour la nuit. Si les habitants, bien que surpris, avaient l'air amusés de me voir camper seul dans un coin si reculé, ils n'en n'ont pas oublié d'en avertir la police locale qui me retrouve au réveil. Simple contrôle de routine, mais ce sera le premier et unique de mes cinq mois passés en Indonésie. J'atteins Ende en milieu de matinée après avoir un petit village pittoresque de bord de mer.


C'est Horis qui m'ouvre les portes de sa maison familiale à Ende. Il est entre deux contrats et de retour dans sa ville natale en prévisions des fêtes de fin d'année, Flores étant majoritairement chrétienne. Horis parle français et c'est donc dans la langue de molière que nous conversons.

Il y a un mariage le soir même et je suis convié à être de la partie. Le gang des scooters étant toujours sur Ende est aussi convié aux festivités. Il faut dire que les mariages à l'indonésienne n'ont rien à voir avec leurs homologues français. On ne compte pas les invitations ni les invités qui tournent souvent autours de plusieurs centaines, et personne ne manquerait d'avoir des Bule à leur cérémonie.

Chacun se sert à manger au buffet après avoir salué les mariés et la famille et glissé une petite enveloppe. Les plats sont diverses et délicieux... l'arak aussi. Belle soirée en perspective.

Les danses s’enchaînent avec une composante type madison. Les interactions hommes/femmes restent cependant difficiles alors au final les meilleurs moments seront passés avec les enfants, qui eux sont dépourvus de filtres.

Le lendemain passe au ralenti. Nous explorons les environs avec Horis. Cascade et vues sur la ville. Une crevaison oblige Horis a retourner en ville le temps que je me fasse inviter à boire le café dans un village. Je décline l'arak me remettant tout juste des excès de la veille. Je trouve naturellement le moyen de me faire inviter de nouveau à un mariage le lendemain, que je décline aussi.

Je passe deux jours supplémentaires à me reposer et vivre au rythme de la petite famille. Je suis accueilli comme un propre fils.

En Asie les gens vivent ensemble et prennent soin les uns des autres bien différemment de nos contrées. J'assiste parfois à des scènes attendrissantes bien que surprenantes comme des mères qui dorment avec ses deux fils âgés d'une vingtaine d'années, tous dans le même lit. Il est fascinant de voir comment la famille semble vivre chichement, mais unie et aimante vivant sous le même toit. J'en profite pour cuisiner à ma façon, mais pas facile lorsque la mère vient y mettre son grain de sel!

Je repars pour me rendre à Moni et retrouve une route ascendante pour la journée. L'activité principale le long de la route c'est le caillou. On sort des roches pour les concasser à la main sur le bord de la route, un travail harassant et un revenu plus que misérable. Tous les âges sont représentés, mais la plupart des travailleurs de ce dur labeur ont autours de la soixantaine. Cette vision est assez poignante, alors que la plupart des jeunes passent ici leurs journées à jouer sur leur téléphone et vivre au crochet de leurs parents. Si je convient qu'il y a malheureusement peu d'avenir pour eux, peu d'entre eux semblent motivés à apprendre l'anglais pour s'ouvrir des débouchés ou ne serait-ce qu'aider leur parents dans leurs tâches quotidiennes. Cela me renvoie aussi à une vision de la veille. Alors que nous profitions d'un dernier couché de soleil sur la plage, j'ai lu dans les yeux de la serveuse qui nous apportait nos thés glacés, toute la tristesse des gens qui n'ont rien et dont rien n'est accessible par raison pécuniaire. Les asiatiques nous apparaissent généralement d'humeur joyeuse et joviale, et c'est le cas. Mais c'est toute l'inégalité mondiale qui m'est apparu dans ce regard triste. J'abordais la notion de réalité lors de mon dernier post, celle ci en fait partie. Pas la réalité de la France comme on la perçoit généralement. Mais la réalité du monde qui nous entoure. Je ne peux que m'attrister lorsque je vois ces femmes sur le bords de la route qui passe une journée au soleil pour vendre deux ou trois kilos de leurs fruits. Ce qui leur permettra tout juste de subsister la journée. Ces pensées tendent à me m'être le moral à zéro, d'autant que quitter une famille qui m'accueille quelques jours me renvoie toujours inexorablement vers ma solitude de voyageur.

Il me faudra atteindre les belles vallées surplombant la ville et serties de rizières verdoyantes sous un soleil étincelant pour retrouver un peu de positivité.

A Moni je retrouve Thomas, voyageur au long court privilégiant l’auto-stop et que j'ai croisé déjà plusieurs fois sur mon trajet ces deux derniers mois. Nous rencontrons aussi Kaung, jeunes birman qui accumule des petits jobs en plus de ses études pour se permettre de voyager.

Le lendemain nous décidons de nous attaquer au Kelimutu. volcan qui surplombe le village. On fait l'impasse sur le transport amenant presque au sommet et décidons de grimper les mille mètres de dénivelé, ce qui nous permettra d'éviter aussi de payer le droit l'entrée, non négligeable. Nous montons sous un soleil de plomb, les premières heures de la journées étant déjà très chaudes.

Le Kelimutu est un complexe de trois cratères où se sont formés des lacs volcaniques. La particularité est que la couleur de l'eau change en fonction de l'activité volcaniques, des minéraux et du taux de souffre.

Les couleurs sont actuellement d'un bleu-vert éblouissant et le spectacle est vraiment fascinant. À notre arrivée quelques touristes indonésiens sont toujours sur place, puis nous sommes rapidement seuls sur le site, ce qui nous permet de nous rendre sur les points de vue normalement interdit... mais édifiants. L'eau ressemble à un amas de gouache sur la palette d'une peintre. Le Kelimutu est une réelle belle surprise pour moi qui ais pris l'habitude de sauter les lieux touristiques.


J'offre le thé à mes compagnons auprès de deux vielles qui attendent en plein soleil le rare client. Je ne négocie pas le prix qui a naturellement doublé aux vues de ma tête de blanc. Je préfère que l'argent économisé en évitant de payer le droit d'entrée leur revienne directement. Un droit d'entrée excessif dont on ne sait où l'argent finira de part la corruption omniprésente dans le pays.

Pour rappel aucune des 24 balises de signalement pour les tsunamis n'est en état de marche : argent détourné, panneaux solaires volés, maintenance insuffisance... Et ceux, malgré les plus de deux cents mille morts en 2004.

Nous reprenons le chemin de la descente revigorés de ce beau moment partagé au sommet. Plus personne au sommet signifie pas de véhicule pour nos minces espoirs de redescendre en stop.

Nous nous dirigeons à la cascade du village pour nous détendre dans l'eau tempérée.

Il est temps de reprendre la route, malgré que je sois fourbu de la veille. Je me rend à Koka beach à une cinquantaine de kilomètres. La route est toujours montagneuse et le soleil de plomb. J'arrive en début d'après midi, rapidement rejoins par Thomas. Koka est aménagée pour le tourisme, on me demande de payer l'entrée sur le site, le parking... je refuse tout de bloc.

On fini par négocier de camper devant un restaurant en contrepartie de manger sur place. Le lieu est tout de même rapidement déserté avec la lumière déclinante et l'ambiance tranquille et agréable.

Je repars le lendemain en direction de Maumere, un journée qui semble signer mes dernières montées majeures, le reste de l’île ayant un relief beaucoup plus aplani.

Toujours en compagnie de Thomas qui est venu en stop, nous nous rendons à une petite auberge en bord de mer. Le concept écologique et les belles infrastructures font de l'établissement un lieu fort sympathique. Je prolonge d'une nuit pour me reposer et me mettre à jour sur la planification de mon voyage et le conciliation par écrit des moments passés.

La route longe désormais la côte nord de l'île et j'avance rapidement n'ayant pas de dénivelé notable. La route est agréable et relativement ombragée. J'arrive à une bifurcation au niveau d'un village, impossible de trouver de quoi me restaurer. Finalement la prof de l'école m'invite à cuisiner chez elle les nouilles qu'il me reste au fond d'une sacoche, en sus d'une ventrée de mangue.

En quittant la route principale je me retrouve sans ombre dans une chaleur accablante. J'essuie quelques courtes mais raides montées. Mais le paysage est magnifique dans cette partie très reculée de l’Indonésie, avec quelques villages en bord de mer.

Au détour d'un virage une fête a lieu. On me fait signe de venir, je ne fais pas prier, pas mécontent de trouver un coin d'ombre et quelques rafraîchissements pour faire passer les heures chaudes de la journée. Les femmes danses, les hommes attendent qu'on leur serve à manger, comme bien souvent. Nous prenons le repas devant le mur d'enceinte et les chansons criardes qui se succèdent. Je pars sans me faire prier avec les oreilles qui sifflent. L’Indonésie n'est que bruit pour moi jusque maintenant. Je continue de rouler sur cette petite route secondaire fort sympathique. J'avais repéré une plage mais il se fait trop tard pour l'atteindre. Je traverse un village où prend fin un match de foot. On m'invite, on fête, avec l'arak et le karaoké. Je me retrouve invité par une famille, dont la belle fille parle un anglais courant. Elle vient de Papouasie et il est intéressant d'échanger sur les conditions actuelles dans le pays. Puis nous nous rendons a un anniversaire, karaoké à tu-tête, mes oreilles n'en peuvent définitivement plus. Je partage finalement le repas avec la famille joviale, les tantes qui portent tous leurs peignes dans les cheveux. Je ne sais pas cependant pas ce qui est le plus dur à avaler, le gras de cochon bouilli ou la daube de singe...

Je roule un moment le long de la côte. Mis à part mes petits festoiements bruyants de la veille la route est quasiment empruntée et il y règne un certain calme. Je profite d'une petite plage pour apprécier le silence. Après tout ce temps en Indonésie le bruit est devenu une souffrance tant physique que psychologique.

J’atteins Larantuka en fin de matinée. J'y retrouve Lysiane, cyclo voyageuse québécoise. Sourire franc et naturel, bonne humeur et sympathique, Lysiane s'apprête à prendre ma route en sens inverse. Nous passons donc une journée à échanger bons plans et adresses ainsi que nos histoires respectives. Nous réussissons à nous trouver des connaissances en commun, Lysiane étant dans le médical aussi.

Je prends le ferry le lendemain matin pour l'île de Solor. J'y retrouve Thomas et nous accueilli dans une famille locale avec Randy comme interlocuteur principal. Nous passons deux jours au calme à vivre au rythme lent des autochtones. Le grand père nous raconte l'occupation hollandaise puis japonaise durant la guerre.

Je passe une journée à aller d'une îles à une autre, parfois avec un ferry régulier, parfois privé, mais qui ne me coûte pas plus cher. J'atteins Lewoleba en fin de journée.

De là j'embarque dès le lendemain matin sur un gros ferry pour aller à Kupang, situé plus au sud. Nous arrivons le soir alors que la nuit est déjà tombée. Il y a une dizaine de kilomètres pour joindre la ville depuis le port. A mi chemin c'est ma chaîne qui me lâche, que je peine à réparer. Finalement un scooter avec deux jeunes s'arrête. J'entends vaguement de loin une histoire de photo, les asiatiques en étant très friands. Mais j'avoue que le moment ne me semble pas très opportun pour moi et la chaîne de mon vélo que je tiens pourrait bien trouver une deuxième vie à ce moment précis. Mais il s'avère que l'un d'eux est un ami de Randy qui m'a reconnu grâce aux photos publiées par ce dernier. Il me propose donc de me pousser, toujours avec le pied et à l'aide de leur scooter pour les quelques kilomètres qui me restent à faire à travers la ville.

Je tente de réparer ma chaîne le lendemain mais la réparation s'annonce plus compliquée que prévu. A peine je quitte l'atelier mécanique où j'empruntais des outils que celle ci casse de nouveau. Finalement les jeunes me mènent à un magasin de vélo où je trouve une chaîne à l'alliage douteux qui ressemble plus à celles utilisées pour les vélos enfants. Un des jeunes me l'installe grâce à un maillon rapide qui paye encore moins de mine. Mais celui ci se redresse fièrement et me lance dans un sourire : « cinq ans de garantie ».

Le matin je me dirige vers l’embarcadère de nouveau. Direction l’île de Rote. Lorsque j'arrive un officier m'annonce le bateau déjà parti. Je m’enquiers de connaître l'heure de départ :7h30, il est 7h50, je n'en crois pas mes oreilles, où est donc passée la fameuse « jam karet » indonésienne ! Traduisez littéralement par « l'heure l'élastique », dont le retard, d'un ferry ou d'un rendez-vous est allé pour ma part jusque 3h. L'officier me conseille froidement d'acheter mon billet pour le lendemain et de me pointer à l'heure cette fois.

Mais au comptoir ce n'est pas le même son de cloche, on m'apprend que le bateau est encore à quai et que je dois filer après m'être octroyé le droit de passage. On précise à la radio, qu'un « bule » (boulet!) est en route. Je grimpe dans le ferry et me poste sur le pont pour voir le bateau quitter le port sur un eau calme et bleue dans la douceur matinale.

La traversée dure près de trois heures et à notre arrivée un bateau est encore à quai. Un camion est en travers sur la passerelle et cela n'augure rien de bon. Notre capitaine tente un accostage sur le quai de débarquement secondaire. Celui ci étant moins âpreté, notre navigateur en chef vient prendre directement appui sur la passerelle en béton sur pilotis où est le camion et les indonésiens autours qui tentent de le remettre sur roue. Après avoir éraflé le bateau et fait sauter une partie de la barrière (sans faire effondrer la passerelle heureusement) notre bateau accoste finalement. Mais il est amarré uniquement par l'avant ce qui a pour conséquence de faire pivoter notre bateau sur lui même que le capitaine ne sait rattraper malgré les moteurs lancés à plein régime. La passerelle est descendu, une voiture déjà descendue, une autre prête à s'engager avant qu'un marin, un peu moins stupide que les autres ne l’arrête, alors que le bateau s'éloigne déjà.

Finalement il faudra attendre que le camion soit dégagé, le bateau déchargé, puis rechargé et finalement débarqué pour pouvoir nous même accoster.

Je roule jusque Ba'a, le long de la côte. Quelques belle plages et peu de circulation.

J'arrive chez Alon qui m'accueille au sein de sa famille. Elle est prof d'anglais privée, elle donne des leçons collectives à son domicile, son mari gère une petite échoppe attenante. Ils ont trois enfants qui me réservent un accueille chaleureux, je pense que c'est la première fois qu'ils côtoient un occidental.

Le lendemain je pars explorer les environs. Je me trompe de route à l'aller et termine sur une sente pas facile. Mais le décors est agréable au milieu de canyon à la roche blanchâtre.

J'arrive au belvédère de Mandoo et ses trois cent marches. Un superbe point de vue sur les eaux cristallines et la côte sud de l'île. Je profite d'y être seul pour buller et avancer mon livre.

Je repars alors que le ciel est menaçant. Je passe juste derrière la pluie qui charge l'atmosphère d'une odeur de poussière mouillée que j'avais presque oublié. J'ai évolué avec les différentes saisons sèches ces derniers mois et réussi à rester au sec. La saison des pluies se rapproche dangereusement et il serait temps aux vues de l'état de la végétation dans la région.

Je rejoins ma famille d'accueil pour le cours d'anglais du soir qui dérive sur un peu de français en chanson. Je passe deux jours ainsi au rythme tranquille de la petite famille, allant chercher les enfants à l'école pour les charger sur mon porte bagage ou encore les emmenant à la « piscine » du village, bassin en plein air où tout le monde vient faire sa lessive.

Je laisse mes affaires chez Alon pour me rendre à l'ouest de l’île à Nemberela. Plage paradisiaque avec ses airs de bout du monde.

Je passe deux nuits sur place et je retrouve Diana une allemande croisée un peu plus tôt à Kupang. La saison étant finie nous avons réussi à négocier le prix en contrepartie de cuisiner nous même, ce qui n'est pas pour nous déplaire. Quel plaisir de pourvoir se faire quelques petits plats maison. J'avoue être un peu flemmard sur la cuisine tant la nourriture est pas chère. Nous flânons sur la plage en fins de journées pour apprécier la vie locale avec les dernières lueurs du jour.

Retour au village pour une dernière journée avec Alon et sa famille. Puis je reprends le chemin de l’embarcadère après des au-revoir difficiles.

Je traverse Ba'a et son marché coloré, dominé par un phare immaculé. Je longe la cote dans la chaleur matinale. Cette fois le bateau est à l'heure indonésienne, c'est à dire « jam karet ». Le bateau est complet, la traversée est longue alors que je dois rester assis sur un banc sans dossier. J'arrive exténué à Kupang et ne suis pas des meilleures compagnies pour mon hôte Conny qui m'accueille chez elle.

Je me dirige désormais vers l'Est. Mes pérégrinations sur Rote m'ont valu d'être limite sur la validité de mon visa. La route est d'abord plate jusqu'à devoir passer une petite montagne qui me tue physiquement. Je termine finalement mon quota de la journée en début d'après midi et profite d'un restaurant en terrasse au dessus d'un cours d'eau pour laisser passer les heures chaudes. Le mercure dépasse désormais les quarante degré en cette période de chaleur qui précède la saison des pluies.

J'ai retrouvé les interpellations des indonésiens, leurs cris, les «Mister!! » lancés à la volée, souvent accompagné de klaxons intempestifs. Cette agitation autours de l'étranger commence à me lasser et je me noie dans un mutisme. Je pense qu'il est temps pour moi que je quitte l’Indonésie.

Je quitte la rivière principale pour longer un de ses affluents. A la sortie d'un virage je domine une plaine, d'abord les palmiers qui laissent finalement place à des rizières jaunies prêtes pour la récolte. Des enfants jouent et courent à travers champs dans des cris joyeux. Deux gamines me saluent et leur sourire me fait tout de suite oublier les supplices auditifs de la journées. Cela fait aussi parti du voyage de sauter d'une humeur à l'autre en fonction des événements. Je sais que je n'aurais aucun mal à trouver un endroit ou dormir pour la nuit. Alors que je m’apprête à quitter la rivière, une sente bifurque et me mène à une clairière isolée et silencieuse, au bord de l'eau claire, je n'en demandais pas tant. Les villageois d’à coté me repèrent et me proposent l'hospitalité que je décline le plus poliment possible. J'ai besoin d'être au calme ces temps ci.

Une belle et difficile montée m'attend au petit matin. J'atteins les bords d'un plateau qui m'offre un point de vue sur la plaine et la mer en contre bas. L'agitation et la frénésie de la ville de Soé ne m'incite pas à m’arrêter et je continue malgré mon ventre vide. Je trouve finalement un restaurant routiers quelques kilomètres plus loin. Je trouve de nouveau une large rivière silencieuse pour y passer la nuit. Je prends un déjeuner rapide le lendemain à la ville de Kefa avant de me diriger vers Oecusse, qui est une enclave du Timor Oriental dans le territoire indonésien.

Je passe la frontière presque sans encombre si on omet le zèle des officiers indonésiens. Je retrouve le plaisir de changer de pays, cette pointe d’appréhension mêlée à l'excitation. Je m’arrête près de la frontière visiter des boues volcaniques, qui forment de petits volcans.

Puis une grosse averse s'abat sur la région et m'oblige à me réfugier sous le auvent d'une maison. Je me rend compte que je suis absolument incapable d'échanger avec le vieux qui vient à ma rencontre. Un des désavantages du changement de pays, après cinq mois passés en Indonésie j'avais une base solide de vocabulaire.

L'averse passée je reprends la route chaotique. Les enfants sont sortis pour profiter de se laver à l'eau de pluie. Ils me saluent hilares à grand renfort de « Bua Tarde » ; certains courent derrière moi mais s'enfuient à peine je pose le pied au sol me laissant juste la vision d'une nuée de paires de fesses rebondies qui détalent.

Pante Makassar est une petite bourgade de bord de mer plein de charme. Elle semble en pleine essor, avec son aéroport flambant neuf et ses longues et larges rues goudronnées, tout cela financé par le gouvernement chinois en échange de... l'avenir nous le dira. Pourtant il y règne un calme surprenant et je passe une journée à profiter des environs.

Je continue de longer la côte nord. Le paysage est devenu très aride avec une mélange originale de roche noire, d'herbe jaunie et d'arbres qui verdissent déjà avec la venue des premières pluies.

Il me faut repasser en Indonésie le temps d'une journée que je passe à Atambua chez des locaux. Vannie m'accueille mais c'est son oncle un peu bizarre qui me tient compagnie lorsqu'elle travaille. Il m'a été d'autant plus difficile de m'en débarrasser une fois qu'il a découvert les miracles de Google traduction.

Une longue descente me mène au poste frontière avec le Timor Oriental. Une surprise m'attend sur place, mais celle ci se trouve sur le compteur de mon vélo.


Une fois les formalités passées non sans difficultés, toujours à cause du zèle d'officiers un peu prétentieux, je continue le long de la côte en direction de la capitale. La route est en construction et parfois difficile. La fatigue devient de plus en plus importante. Mais je fini par finalement arriver à la capitale le lendemain dans la matinée. Dili signe la fin de la partie « vélo » de mon périple. Il faut dire que désormais c'est l’Océanie, qui n'est pas des plus propices à la bicyclette. Le projet est toujours de me rendre à ma destination finale qu'est la Nouvelle Zélande. Je profiterai pour cela de la voie des mers, à la voile plus précisément. L'embarquement devrait avoir lieu incessamment sous peu et la traversée devrait durer plusieurs semaines. Je profite de quelques jours sur place pour me reposer et me préparer. Je trouve naturellement des locaux pour m'accueillir ainsi que des voyageurs pour quelques beaux moments sur place.


C'est depuis mon arbre haut perché que je vous souhaite de joyeuses fêtes de fin d'année!

On se retrouve dans quelques temps pour les dernières aventures à la voile qui me permettront d'atteindre les terres sacrées Néo-Zélandaises.





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